Jean-Marie Le Ray, un interprète-traducteur aux multiples facettes
Traducteur et interprète professionnel depuis plus de 30 ans, Jean-Marie Le Ray a su se faire une place sur le marché de la traduction. Passionné par son métier, il a réussi à tirer profit des différentes possibilités qu’offre notre activité en alliant traduction et interprétation, mais aussi conseil en contenu linguistique web et marketing. Mais ce n’est pas tout ! Il est aussi conférencier au service des étudiants en traduction et des traducteurs-interprètes de métier. Le but ? Redorer l’image de la traduction sur le marché.
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- Question 1 En m’intéressant à votre profil, ce qui a surtout attiré mon attention c’est la diversité de votre parcours : interprète, modérateur web, auditeur linguistique, entrepreneur… ainsi qu’une expérience dans le domaine de la traduction de plus de 30 ans… Pouvez-vous me dire quel a été le métier que vous avez eu le plus de plaisir à exercer et pourquoi ?
- Question 2 Vous avez été rédacteur de plusieurs sites dédiés à la traduction et/ou au marketing : Translation 2.0, Adscriptor et le plus récent Presse-citron. Vous êtes l’administrateur unique de Translation 2.0 et Adscriptor. Quelle charge de travail représente la maintenance de ces blogs ?
- Question 3 Dans la description du service proposé sur votre page translation 2.0 vous parlez « d’un conseil en contenu linguistique orienté web et marketing ». Pourriez-vous nous expliciter ce que ce service inclut ? et comment cela s’applique au domaine de la traduction ?
- Question 4 En parlant de marketing. D’où vous est venue cette envie d’allier marketing et branding aux services de traduction ? Vos connaissances sont-elles le fruit d’une formation ou de l’expérience ?
- Question 5 Vous êtes directeur de votre propre agence de traduction à Rome. Pouvez-vous nous faire part des difficultés que vous avez rencontrées ? Selon vous, comment peut-on réussir à se démarquer dans un secteur d’activité aussi compétitif ?
- Question 6 Vous avez mis au point un moteur de recherche terminologique anglais-français appelé Translation's 2.0, pouvez-vous m’expliquer votre démarche ?
- Question 7. J’ai remarqué dans votre blog translation 2.0 que le sujet de la traduction automatique revenait assez fréquemment, j’aimerais savoir ce que vous pensez de l’avenir des traducteurs et interprètes.
En tant que traducteur-interprète, on sait tous que la traduction est un domaine peu connu du grand public. Trop souvent, l’image du traducteur et sa fonction sont dévalorisées au profit des traducteurs automatiques, jugés suffisants pour traduire de nombreux documents. Certes, ces traducteurs automatiques sont de plus en plus performants, mais ils ne pourront jamais atteindre le niveau de connaissance d’un traducteur humain. C’est-à-dire, une connaissance pointue des différentes nuances de la langue, mais aussi la prise en compte, au moment de traduire, de sa dimension culturelle, primordiale pour mener à bien une traduction.
Chez AbroadLink nous nous sommes intéressés au parcours de Jean-Marie Le Ray pour en savoir plus sur son expérience dans le monde de la traduction et de l’interprétation.
(Jean-Marie Le Ray sera le premier traducteur à témoigner dans notre nouvelle rubrique « portrait de traducteur », qui a pour but de recueillir des témoignages, des expériences (bonnes ou mauvaises) de certains de nos pairs et partenaires.
Question 1. En m’intéressant à votre profil, ce qui a surtout attiré mon attention c’est la diversité de votre parcours : interprète, modérateur web, auditeur linguistique, entrepreneur… ainsi qu’une expérience dans le domaine de la traduction de plus de 30 ans… Pouvez-vous me dire quel a été le métier que vous avez eu le plus de plaisir à exercer et pourquoi ?
De fait, ce que contient votre question en filigrane, c’est la parfaite définition du slasher, un concept traduisible en français par « pluriactif », popularisé il y a une dizaine d’années par Marci Alboher, en référence aux millions d’indépendants incapables de répondre à la question « Quel est votre métier ? » en un seul mot ou une seule phrase ! Ce qui, très souvent, est désormais le lot de celles et ceux qui travaillent en libéral, parfois un peu perdus dans ce qu’il est convenu d’appeler la « gig economy » (ou plus prosaïquement, l’économie des petits boulots), dont le principal défaut semble être un nivellement par le bas, généralisé autour de politiques diffuses du moins-disant.
Pour autant, concernant plus précisément votre question, j’ai deux réponses :
- Il convient de la décliner au présent, puisque je suis encore loin d’avoir cumulé suffisamment de points de retraite pour la prendre maintenant, et donc si la santé m’assiste j’ai encore une bonne dizaine d’années devant moi… Et d’ailleurs, je ne saurais rester sans rien faire, je suis trop curieux de tout. Mais mon cœur de métier est d’être traducteur-interprète, dans les proportions suivantes : traducteur EN/IT à FR (env. 75%), et interprète IT ßà FR (env. 25%).
- Le métier que j’aurais le plus de plaisir à exercer aujourd’hui est celui que je n’exerce pas : formateur marketing pour celles et ceux qui débutent dans la vie active. Lorsqu’un jeune diplômé arrive sur le marché du travail, il ne sait presque jamais par où commencer pour se présenter et démarcher les premiers clients, à court terme, et encore moins pour se constituer une clientèle viable et fiable, à long terme. Or mon formidable bagage d’expérience ne demanderait qu’à être partagé, mais les barrières d’entrée à la formation sont très haut placées. C’est pourtant l’une des raisons majeures pour lesquelles je suis revenu vivre en France (il y a trois mois), après plus de 35 ans passés en Italie…
Question 2. Vous avez été rédacteur de plusieurs sites dédiés à la traduction et/ou au marketing : Translation 2.0, Adscriptor et le plus récent Presse-citron. Vous êtes l’administrateur unique de Translation 2.0 et Adscriptor. Quelle charge de travail représente la maintenance de ces blogs ?
Il faut d’abord se demander « pourquoi » j’ai décidé de m’investir dans les blogs. Dès la deuxième moitié des années 90, le marché de la traduction (mais pas seulement) a quitté progressivement le niveau local pour s’installer sur Internet, où la concurrence est planétaire. Donc immédiatement le problème s’est posé de devenir « visible » sur le Web pour se démarquer de ses collègues et concurrents. Or cette notion de « visibilité » est bien particulière et ne doit surtout pas être confondue avec la « présence ». Être présent sur Internet est la condition sine qua non mais pas suffisante : si vous êtes présent sans que personne ne vous trouve, cela revient à être absent. Point barre. Donc il faut être visible. Ce qui a des implications évidentes en termes de trouvabilité et de réputation, mais c’est encore un autre problème.
À l’époque j’étais inscrit sur une « place de marché » (ce que l’on appelle aujourd’hui « plateforme ») bien connue des gens qui exercent notre métier : Proz.com. Or je me suis vite aperçu que ma visibilité en tant que traducteur ne dépendait pas de moi, et que je n’avais aucune maîtrise sur les choix de la plateforme qui décidait de mettre en avant un tel plutôt qu’un autre.
C’est de là qu’est née ma décision de construire seul ma visibilité sur Internet, pour ne plus dépendre de telle ou telle plateforme, mais plutôt - une idée très chère aux investisseurs -, de diversifier ma présence pour ne pas mettre tous mes œufs dans le même panier…
D’où mon premier blog début 2005, et je n’ai plus arrêté depuis (bien que j’aie considérablement ralenti aujourd’hui, même si je suis encore présent sur les réseaux sociaux). C’est une question de priorité, car assez souvent mon activité de blogueur a empiété sur mon gagne-pain. Mais plus d’un millier de billets de blog et pas loin de deux millions de visiteurs plus tard, je peux vous dire que je n’ai jamais regretté mon choix initial, grâce auquel j’ai également vécu de très belles expériences, tant au plan personnel que professionnel, et que je n’aurais jamais vécues sans cela.
Question 3. Dans la description du service proposé sur votre page translation 2.0 vous parlez « d’un conseil en contenu linguistique orienté web et marketing ». Pourriez-vous nous expliciter ce que ce service inclut ? et comment cela s’applique au domaine de la traduction ?
Question intéressante ! D’emblée, c’est un service qui s’adresse davantage aux sociétés ayant un site Web et souhaitant le localiser en une ou plusieurs langues. Généralement, celles et ceux qui sont dans ce cas de figure ne savent pas par quel bout aborder le problème. À 100 %, leur position est « j’ai ce site dans une langue A ou B, et je veux le traduire dans une langue C ou dans plusieurs, X, Y ou Z ». C’est une approche très courante, mais qui ne fournit pas toujours des résultats à hauteur des espérances : traduire dans la langue L n’a rien à voir avec rédiger directement dans la langue L.
Le client dit : - « Nous vous fournissons le contenu, et c’est à vous de le traduire ! »
Le conseil répond : - « Nous parlons ensemble du message que vous souhaitez véhiculer, et c’est nous qui le rédigeons directement dans la (les) langue(s) de votre choix ».
Nous savons pertinemment, en tant que traducteurs, que deux locuteurs parlant deux langues différentes ne vont pas employer les mêmes mots pour dire ou décrire les mêmes choses. Il en va ainsi pour les internautes, qui vont chercher, selon leur marché (national, linguistique, culturel) une même chose en utilisant des termes distincts : à chacun.e les siens.
L’approche est donc radicalement différente (et l’impact aussi…), puisqu’elle consiste à identifier d’abord les « mots clés » que parle le public cible du client en relation à ses activités, et à bâtir ensuite le contenu textuel (voire plus) de chaque page Web du site localisé, autour de ces mots clés. Cela peut s’étendre en outre à la « grande conversation » menée sur les réseaux sociaux !
Une stratégie qui s’inscrit dans une optique de référencement, où le contenu doit être pensé en amont, et non plus dans le sillage traditionnel du « on traduit d’abord, et on voit ensuite comment référencer le site », indépendamment de la langue. Ce qui débouche le plus souvent sur un échec commercial et donc sur une dépense non rentabilisée.
Voilà, très brièvement, ce que signifie « conseil en contenu linguistique orienté web et marketing ».
Question 4. En parlant de marketing. D’où vous est venue cette envie d’allier marketing et branding aux services de traduction ? Vos connaissances sont-elles le fruit d’une formation ou de l’expérience ?
Oui. D’une formation autodidacte, 100 % sur le tas, et de 35 années d’expérience du métier (dont 26 ans à la tête de ma propre agence). Mais comme j’ai évoqué précédemment l’inutilité d’une présence Web si personne ne vous vous voit, il en va de même pour l’inutilité de vastes connaissances qui ne peuvent être partagées. J’ai déjà animé plusieurs formations en Italie (en obtenant toujours d’excellents retours), aussi bien destinées à des professionnels qu’à des agences de traduction, mais mon rêve serait de le faire en France, dans ma langue.
La mise au point du parcours formatif que j’ai conçu m’a demandé une très longue introspection et des mois de travail pour formaliser le fruit de mes réflexions. J’ai déjà beaucoup écrit à ce sujet, et quelqu’un qui aurait la curiosité de fouiller un peu ma page Slideshare pourra s’en faire une idée.
Or je me heurte à la défiance des universités auxquelles j’ai proposé mes services (et la question économique n’est pas étrangère à cette défiance), ou encore aux barrières à l’entrée dressées par quelques organismes en place, mais qui ne voient pas d’un bon œil, j’imagine, qu’on vienne les concurrencer sur leur pré carré.
Je n’abandonne pas pour autant, en œuvrant d’un côté à la rédaction d’un livre, et de l’autre à étendre ma formation, sans plus me limiter aux seuls traducteurs et interprètes. Car en fait, mises à part les spécificités propres à chaque métier, il reste une ample portion de tronc commun et je maîtrise suffisamment les bases pour proposer une formation de qualité à l’ensemble des travailleurs indépendants.
Tout cela est dans mes tuyaux, comme on dit à présent de manière si … poétique.
Question 5. Vous êtes directeur de votre propre agence de traduction à Rome. Pouvez-vous nous faire part des difficultés que vous avez rencontrées ? Selon vous, comment peut-on réussir à se démarquer dans un secteur d’activité aussi compétitif ?
Créée à Rome en février 1989, j’ai fermé mon agence en 2015 après 26 ans de bons et loyaux services ! Et alors que les affaires allaient très bien, mais j’avais juste envie de passer à autre chose et j’envisageais déjà mon retour en France. Or il me fallait le temps de préparer la transition : vous ne quittez pas un pays où vous avez vécu plus de la moitié de votre existence comme ça, du jour au lendemain. Mon idée serait aussi de créer en France des opportunités pour l’avenir de mon fils, en lui ouvrant des horizons allant au-delà des seules frontières italiennes.
Cela étant, pour en revenir à vos questions, les problèmes que j’ai rencontrés peuvent se résumer autour d’un seul point : les difficultés énormes pour trouver des gens à la hauteur, compétents et sérieux.
On ne dira jamais assez qu’en 2018 l’université forme à traduire, certes, mais ne forme pas encore des traducteurs/traductrices : traduire ou savoir traduire ne fait pas de vous une traductrice, un traducteur. La nuance est de taille. En m’inspirant du pragmatisme de l’administration fiscale, une traductrice, un traducteur, c’est quelqu’un qui vit de son métier. Dignement si possible.
Or ce n’est pas parce qu’une agence de traduction reçoit le CV qu’un jeune fraîchement diplômé de l’université envoie à droite et à gauche, qu’elle va le traiter en professionnel chevronné. Le véritable métier s’apprend sur le tas, et rarement sur les bancs d’une école. C’est donc là la première difficulté : trouver des professionnels spécialisés.
Pour se démarquer, c’est simple (!), il suffit de savoir ce qu’on fait mieux que les autres. Et qui explique pourquoi le client va vous choisir, plutôt que le voisin. Cela étant, aussi paradoxal que ceci puisse paraître, on ne se démarque ni sur la qualité, ni sur les prix.
Ni sur la qualité car sur un marché où tous les acteurs proposent a priori la qualité, en quoi seriez-vous différent des autres en proposant la même chose ? La qualité n’est donc plus un discriminant, mais juste un acquis : chaque client n’en attend pas moins de vous.
Ni sur les prix car sur Internet vous trouvez toujours moins cher quelque part, apparemment pour les mêmes services. Donc c’est à vous d’amener le client à jouer sur le terrain où vous souhaitez l’entraîner, et non pas le contraire. Lorsqu’un client me fait comprendre qu’il n’attend de moi que le moins-disant, je l’oriente systématiquement vers la concurrence… Allez-y, vous trouverez sûrement moins cher ailleurs. Jusqu’à ce qu’il comprenne à ses dépens que, pour autant qu’il ait payé très peu pour une traduction, ce sera toujours trop cher au vu du désastre qu’il en aura retiré, notamment en termes d’image et de réputation…
Mais pour conclure sur un exemple concret, celui de ma société, en 1989 lorsque vous regardiez les pages jaunes dédiées à la traduction, pratiquement toutes les agences proposaient à l’unisson : toutes les langues, tous les domaines.
Je me suis donc limité à ce que je savais faire de mieux : ma langue. Non plus toutes les langues, mais une seule, avec le slogan suivant : « Le français de qualité ! »
Réducteur, selon vous ? En fait, ma réussite qui dure depuis témoigne que c’était le bon choix…
Question 6. Vous avez mis au point un moteur de recherche terminologique anglais-français appelé Translation's 2.0, pouvez-vous m’expliquer votre démarche ?
Là encore, cette démarche remonte aux débuts du Web, à l’époque où l’on avait pour habitude de collectionner les signets. Dès qu’on trouvait une ressource intéressante, on la mettait dans ses favoris. Il y avait même des plateformes dédiées, aujourd’hui disparues et dont les noms m’échappent.
Puis lorsque j’ai découvert la possibilité que Google donnait de faire un moteur de recherche personnalisé, j’en ai profité pour y réunir tous ces liens, car sélectionner les sources d’information permet d’obtenir moins de bruit dans les résultats.
Des résultats encore plus intéressants si l’on intègre la syntaxe moteur à ses recherches, il suffit en effet de faire une même requête sur mon moteur de recherche terminologique multilingue et sur Google pour comparer les différences.
N’hésitez pas à le tester, vous m’en direz des nouvelles…
Question 7. J’ai remarqué dans votre blog translation 2.0 que le sujet de la traduction automatique revenait assez fréquemment, j’aimerais savoir ce que vous pensez de l’avenir des traducteurs et interprètes.
Là vous touchez une corde sensible. Depuis 2006 je m’intéresse de près aux immenses progrès accomplis par Google, entre autres, dans la traduction automatique, et j’ai beaucoup écrit sur ce sujet.
Sans compter la découverte extraordinaire d’un précurseur dans ce domaine, l’italien Federico Pucci, inventeur du premier "traducteur mécanique" des temps modernes, qui a écrit pendant 30 ans (de 1930 à 1960) une dizaine d’ouvrages sur son invention.
Il faut donc savoir que les principes de la traduction automatique statistique que nous connaissons aujourd'hui (y compris les phases de pré- & post-édition) étaient déjà posés il y a ... 70 ans (!), or de la fin de la deuxième guerre mondiale jusqu’au début des années 2000, et en dépit de millions et de millions de dollars, de roubles et de francs dépensés en recherche par la Russie, les États-Unis, la France et d’autres, très peu de résultats concrets – et pertinents – avaient été atteints.
Jusqu’à l’arrivée de Google !
Qui « démocratise » la traduction automatique pour en faire un « produit de consommation » de masse. Gratuit.
Google révolutionnaire dans ce domaine, mais à la veille d’une nouvelle révolution encore plus puissante que celle des années 2000, avec l’avènement de l’intelligence artificielle et des moteurs neuronaux, on en reparlera !
Cela peut certes changer beaucoup de choses, mais je suis intimement convaincu que les traducteurs-interprètes sont encore promis à un bel avenir … tant qu’ils/elles seront capables d’inventer et réinventer leur métier.
Je ne sais plus qui disait : « Ne cherchez pas du travail, créez-le ! »
La conclusion tient dans cette formule, forgée pour les besoins de ma formation :
1 traductrice / 1 traducteur = 1 marché.
Le vôtre, pas celui des collègues. À vous de le créer, donc, car en créant son propre marché, chacun.e crée son propre avenir.
Signé : quelqu’un qui vit de son métier depuis 35 ans !
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Assistante ventes et marketing chez AbroadLink. Actuellement en Master 2 commerce international à l’université de Lyon 3, et spécialisée en négociation et finance internationale en première année de master à l’université de Lille 3, elle a déjà occupée différents postes comme customer service manager et financial manager dans une start-up barcelonaise.
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