Un traducteur dans votre oreille
Le CES, International Consumer Electronics Show, a fermé ses portes à Las Vegas il y a quelques semaines. Plus de 3900 exposants ont présenté, lors de la plus grande foire technologique de l’année, les tendances mondiales dans le domaine de l’innovation. Le développement de l’intelligence artificielle dans le domaine des langues et de la wearable technologie a particulièrement attiré notre attention. Une grande nouveauté est sur le point de devenir un phénomène : les oreillettes intelligentes. Il s’agit d’écouteurs sans fil qui traduisent instantanément (en une ou deux secondes), généralement à travers d’Internet, ce que dit votre interlocuteur dans une autre langue. Reflet d’un monde globalisé au sein duquel les échanges et la mobilité augmentent sans cesse, le domaine de l’interprétation doit répondre à une demande croissante. Mais cela n’est il pas trop beau pour être vrai? Une petite immersion dans le monde de ces écouteurs intelligents nous a permis de découvrir ses incroyables avancées et le long chemin qui leur reste à parcourir...
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Image publicitaire “Mars, truly innovative Wireless earbuds”
Qu’est-ce qu’un écouteur intelligent?
Il faut avouer qu’avant de s’intéresser au concept de ces écouteurs, nous pensions qu’ils seraient une réplique parlante du traducteur automatique, un outil parfois utile mais qui se trompe souvent. Pourtant, la difficulté pour concevoir ces appareils est bien plus grande de part le nombre de technologies impliquées : à la création d’un outil de traduction fiable, il faut ajouter un système de reconnaissance de voix, créer une synthèse vocale et mettre au point un appareil réduit, attirant et ergonomique.
Le concept est le suivant : avoir un écouteur (avec ou sans fil) dans l’oreille qui traduit de manière simultanée et automatique ce qu’on vous raconte dans une autre langue. Un interprète personnel en quelque sorte. Deux personnes qui possèdent un écouteur peuvent donc entamer une conversation dans leurs langues respectives en faisant fi des barrières linguistiques. Pour pouvoir réaliser cette prouesse technologique, il faut dans certains cas, comme pour l’oreillette Pilot, télécharger une application qui fera le lien entre l’oreillette et l’outil de traduction automatique.
Les langues depuis ou vers lesquelles on traduit dépendent de chaque modèle. LINE Mars, présenté au CES en janvier dernier, dispose par exemple de dix langues. Pilot Translation Earpieces, de Waverly Labs, comprend l’anglais, le français, l’italien, le portugais, l’espagnol, l’arabe, le chinois mandarin, l’allemand, le grec, le hindi, le japonais, le coréen, le polonais, le russe et le turc. Quant à Google Pixel Buds… il traduit vers et depuis plus de 40 langues.
Image publicitaire “Pilot Translation Earpieces, Waverly Labs”
Quel le processus de traduction de l’oreillette?
Selon Nicholas Ruiz, chercheur dans le domaine de la traduction pour Waverly Labs, les systèmes de reconnaissance de langue peuvent reconnaître 90 % de ce qui est dit. Mais le chercheur insiste : lorsque le moment est délicat et la traduction exige un haut degré de précision, les machines ne sont pas fiables. Cela nous invite à nous poser une question fondamentale : Quelle est la procédure de traduction adoptée avec ces oreillettes?
La traduction s’effectue en trois étapes : la reconnaissance vocale, la traduction automatique et la synthèse vocale. La reconnaissance vocale automatique transcrit le discours capté par un micro en mots. Ces mots sont traduits grâce à une machine dont le fonctionnement obéit aux techniques et aux algorithmes créés dans le domaine du deep learning, à l’image de ceux utilisés par le programme DeepL. Les mots traduits sont ensuite transformés en son grâce à un synthétiseur vocal qui tente d’imiter la courbe mélodique naturelle de la langue. Pour Mars de l’entreprise LINE Corporation, la traduction a été confiée au traducteur Papago de l’entreprise Naver, une des alternatives de Google Translator qui utilise également des algorithmes de prédiction.
Quant aux Google Pixel Buds, ils utilisent la base de données stockée sur Goolge Translator. Celle-ci est chaque fois plus fiable étant donné qu’elle se perfectionne quotidiennement avec les nouveaux contenus mis en ligne : livres, publications d’organisations internationales et pages web. Google rassemble des millions de textes traduits (par des traducteurs humains) et le système aligne les textes et interprète comment se traduit chaque chose en établissant des patrons. C’est de la pure statistique mais avec une expérience quotidienne de milliards de traductions, le programme fonctionne « plus ou moins » correctement. Cet outil a été conçu sans l’aide de linguiste, en faisant confiance à l’apprentissage des machines. Pour simplifier le processus et le rendre plus économique, chaque langue passe par l’anglais avant d’être traduit vers une autre langue, d’où les nombreuses erreurs grammaticales entre, par exemple, les différentes langues romanes.
Problèmes et défis de l’oreillette traductrice intelligente
Image publicitaire « Google Pixel Buds »
Pour concevoir ces appareils, dont les premiers modèles ont été vendus en 2017, les créateurs ont utilisé les avancées de la reconnaissance de langue et de la traduction automatique mais ils ont dû faire face à plusieurs défis.
La première difficulté à laquelle ils ont du faire face est enregistrer de façon claire les phrases, en les distinguant du bruit environnant. Celui-ci brouille la reconnaissance de la langue et produit une traduction défectueuse. La majorité de ces oreillettes intègrent des micro avec réduction de bruit mais les micros absorbent quand même le bruit de fond et le traduisent en même temps que le discours de l’interlocuteur.
Les usagers peuvent être confrontés à un autre problème, la connexion à la WIFI doit être permanente sinon l’application pour la traduction ne joue pas son rôle. Dans un pays étranger, lorsque le besoin de traduction est le plus grand, l’accès direct et permanent à la WIFI ou à la connexion 3G ou 4G est toujours plus compliqué.
Dans certains cas, comme celui de Pilot Translation Earpieces, chaque utilisateur doit télécharger l’application pour pouvoir utiliser l’oreillette. Cette démarche est peu réaliste dans un pays étranger où il faudrait passer son oreillette d’une personne à l’autre (laissons de côté d’aspect hygiénique) et demander à chacune de télécharger l’application sur leur portable pour pouvoir échanger avec vous.
D’autre part, le problème de la traduction de qualité refait surface. Les logiciels de traduction automatique ont fait des avancées incroyables ces dernières années mais ils n’arrivent pas à appréhender certains contenus. Les références culturelles, les tournures idiomatiques, les régionalismes, l’humour, les blagues, les expressions .... sont extrêmement difficiles à transmettre. De la même façon, un traducteur automatique ne peut pas réaliser une traduction valide pour une poésie ou un roman où chaque mot est mesuré et la mélodie a autant d’importance que le sens. L’intonation a une place fondamentale dans les dialogues et il n’a pas encore pu être imité de façon satisfaisante avec une machine.
Offrir un service linguistique de qualité, fiable pour voyager ou échanger avec des personnes qui parlent une autre langue est la clef du succès de ces produits. Qui trop embrasse mal étreint, voici la règle d’or de la traduction et des traducteurs. Dans ce sens, il existe un autre traducteur wearable, ili, dont la stratégie passe par une délimitation claire de la fonction. Cet objet réduit se porte autour du cou ou se prend dans la main et traduit sans connexion à Internet. Il propose les équivalences des phrases les plus courantes lors des voyages. Un laboratoire linguistique se charge du développement de la base de données de traduction ce qui assure une traduction fiable. Ce produit est défini à travers ses limites : les questions doivent être simples, les phrases courtes et les mots familiers ou techniques doivent être évités.
L’idée de substituer un interprète humain par la technologie wearable est loin d’être une réalité. Beaucoup d’améliorations seront nécessaires pour pouvoir offrir une expérience convaincante et efficace aux usagers, mais nous sommes sur la voie...
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Diplômée en philologie hispanique par l’Université de Toulouse le Mirail, elle possède également un Master en Traduction et Médiation Culturelle par l’Université de Salamanque.
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