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Arbitrage de contrats chinois à Hong Kong : bonne ou mauvaise idée?

Publié le 21/08/2018

À peu près tous les mois, un avocat m'écrit avec « une petite question » relative à un projet de contrat. Sans aucun doute, la « petite question » à laquelle je (ainsi que tous les autres avocats chinois de mon entreprise) reçois le plus fréquemment est de savoir si l'arbitrage de Hong Kong serait judicieux ou pas pour tel ou tel type de contrat. Je réponds généralement à cette question en disant que pour pouvoir confirmer ou réfuter cette idée de choisir l'arbitrage d'Hong Kong, j'aurais besoin de réviser le contrat entièrement et avoir de plus amples informations. L'avocat me répond, dans la majorité des cas, en me demandant : de quel type d'information avez-vous besoin? Je réponds alors que lorsque les avocats de mon entreprise essayent de déterminer le meilleur endroit (localisation) et la meilleure méthode (arbitrage ou litige) pour un contrat international, ils prennent généralement en compte les paramètres suivants :

  1. Qui sont les parties.
  2. Où se trouvent les différentes parties.
  3. Loi applicable.
  4. Langue du contrat.
  5. Objectifs du client. L'argent? La protection de la propriété intellectuelle? Autre chose?
  6. La probabilité que le client enfreigne le contrat comparé à la probabilité que l'autre partie enfreigne le contrat.
  7. Le type de litige qui est à même de se produire.
  8. La langue parlée par le client et l'autre partie.
  9. Le patrimoine du client par rapport à celui du patrimoine de l'autre partie.
  10. Le besoin de connaître les allégations de la partie adverse en cas de litige.
  11. Le besoin de faire appel à des tierces parties pendant le procès (par exemple témoins ou experts).
  12. La complexité ou la simplicité des litiges qui peuvent avoir lieu.
  13. Cassation.
  14. Confidentialité.
  15. Crainte quant à la rapidité de la résolution du conflit.
  16. Exécution des résolutions.

Arbitrage d'Hong Kong dans les contrats chinois : bonne ou mauvaise idée?

Les contrats ne peuvent pas être révisés dans le vide.

Je vais vous donner un exemple.

Il y a quelque temps, une importante entreprise du secteur industriel m'a contacté pour que je l'aide avec un retrait international de produits. Le produit commercialisé par cette entreprise possédait une pièce défectueuse et potentiellement dangereuse, introduite par un de ses plus petits fournisseurs. J'ai d'abord pensé que mon client devrait exiger que le coût du retrait du produit soit à la charge de ce petit fournisseur et sa compagnie d'assurance. À cette fin, j'ai demandé une copie du contrat d'approvisionnement entre mon client et son fournisseur.

Malheureusement, le contrat protégeait cette petite entreprise sous tous les aspects. J'ai été passablement surpris parce que, généralement, les grandes entreprises imposent les termes du contrat à leurs petits fournisseurs. J'ai expliqué à mon contact dans l'entreprise (une personne avec un excellent profil international mais définitivement pas un avocat) qu'elle avait un contrat très peu favorable à ses intérêts, ce qui me surprenait beaucoup. Il m'a dit que son entreprise pensait que c'était un contrat très bien rédigé et qu'ils venaient d'ailleurs de l'utiliser avec tous leurs nouveaux fournisseurs. Je lui ai dit qu'il s'agissait de l'un des contrats les mieux rédigés que je n'avais jamais vu et que c'était bien le cœur du problème ; il avait été incroyablement bien rédigé mais entièrement au bénéfice du petit fournisseur, pas à l'avantage de mon client, qui était le récepteur des pièces. Ensuite, j'ai demandé qui avait rédigé ce contrat (j'étais très curieux car je croyais que mon entreprise était la seule qui gérait les contrats internationaux de cette compagnie.) Sa réponse fut qu'aucun avocat ne l'avait rédigé, qu'un haut responsable de la chaîne de production sans formation juridique avait vu ce contrat lorsque son fournisseur le plus important lui avait demandé qu'il le signe et qu'il avait tout simplement pensé que ce serait un grand contrat vu qu'il venait de cette compagnie. Ma réponse fut que oui, il s'agissait d'un grand contrat, mais un grand contrat pour les fournisseurs, PAS pour les acheteurs des pièces et que quand cette entreprise lui avait demandé qu'il signe le contrat, il s'agissait d'un fournisseur. Le client finit par payer toutes les frais engendrés par le retrait des produits.
Que ce serait-il passé si un avocat avait révisé le contrat pendant une ou deux heures sans connaître son contexte? L'avocat l'aurait lu et affirmé qu'il s'agit d'un grand contrat et qu'il ne voit pas ce qu'il faudrait changer.

De la même façon, le contexte peut-être essentiel en cas de clauses relatives au règlement des différends.

Au fil des ans, nos avocats chinois ont dû gérer les situations décrites ci-dessous. Les faits ont été modifiés pour éviter que quiconque puisse reconnaître une affaire particulière :

Arbitrage de contrats chinois à Hong Kong : bonne ou mauvaise idée?

1) Juridiction de Tokyo.

Une entreprise américaine est venue nous voir après avoir appris que des industriels chinois avaient commencé à fabriquer et à vendre la nouvelle version de leur produit principal. J'ai lu une disposition du contrat qui indiquait expressément que les futures versions du produit principal appartiendraient à l'entreprise chinoise et je l'ai fait savoir au client potentiel. Le client potentiel m'a donc dit que quand il s'était plaint du vol de la propriété à l'industriel chinois, l'industriel chinois avait cité la même disposition et lui avait dit que le produit leur appartenait désormais.
De plus, le contrat établissait que toutes les disputes se résoudraient à la Cour Suprême de Tokyo. J'ai demandé à mon client potentiel pourquoi ils avaient établi la Cour Suprême de Tokyo comme lieu d'arbitrage de toutes les disputes. Sa réponse fut la suivante :

L'entreprise chinoise a demandé que tous les litiges soient résolus à Pékin et mon avocat m'a dit que là-bas nous n'aurions aucune chance alors nous avons refusé. L'entreprise chinoise proposa alors l'arbitrage de Singapour ou de Hong Kong et mon avocat a exigé que ce soit la Cour Suprême de Tokyo parce qu'il s'agissait du contraire (que ce soit le type de règlement des différends - arbitage versus litige - ou l'emplacement) de ce que voulait l'autre partie.

Voyons donc. Je lui expliquais alors qu'aucun pays en dehors de la Chine n'accepterait un litige dans ses tribunaux qui n'ait pas de relation avec le pays. Comme le procès impliquerait une entreprise américaine plaidant contre une entreprise chinoise sur un problème qui n'a aucun lien avec Japon, le tribunal japonais ne pourrait pas se permettre d'être un tribunal public, gratuit (ou presque gratuit) pour ce type de différends. Je n'ai pas pris le temps de lui expliquer qu'il n'existait pas d'équivalent à la Cour Suprême de Tokyo, et que, même si l'entreprise américaine avait réussi à avoir un recours et réussi ensuite à ce que se tienne un procès (ce qui n'aurait jamais eu lieu) et qu'ils le gagnent, aucun tribunal en Chine n'aurait appliqué la sentence parce que le tribunal de Tokyo n'a pas de juridiction sur cette affaire en Chine. L'entreprise étasunienne pourrait éventuellement être capable de convaincre un tribunal chinois pour qu'il accepte le cas, mais, j'en doute, tout simplement parce qu'en Chine il y a une forte tendance à faire respecter les contrats, indépendamment de leur stupidité et la majorité des tribunaux chinois aurait rejeté le cas parce que la demande n'a pas été présentée à Tokyo, comme cela été établi dans le contrat.rejetté

Arbitrage de contrats chinois à Hong Kong : bonne ou mauvaise idée?


2) Juridiction de Tokyo.

Celui-ci est l'un de mes favoris. J'ai reçu plusieurs emails de personnes énervées qui disent plus ou moins la chose suivante :

Je lis souvent et attentivement votre blog et vous n'aviez pas raison au sujet du Canada, j'ai donc maintenant des doutes quant à la véracité des informations des autres articles que vous écrivez. J'ai lu un de vos blogs dans lequel vous proposez le Canada comme lieu de résolution des conflits parce que généralement les entreprises chinoises l'acceptent. Bon, les entreprises chinoises avec lesquelles nous travaillons étaient d'accord avec cela mais lorsque nous avons dû avoir recours à la justice canadienne, les avocats canadiens nous ont dit que nous ne pouvions pas.

Dans des échanges postérieurs, j'ai pu apprendre que cette entreprise avait pensé - en se basant sur mes éloges sur les avantages de proposer le Canada comme lieu d'arbitrage - qu'elle pourrait établir le tribunal de Toronto comme juridiction pour les conflits entre son entreprise et les États Unis et leurs homologues chinois. De la même façon que l'exemple antérieur, il n'y aurait aucune raison pour qu'un tribunal de Toronto accepte son rôle de médiateur dans une dispute de deux entreprises étrangères sur un problème qui n'a aucune relation avec le Canada. Heureusement, l'avocat canadien que l'entreprise avait consulté savait que ce serait le cas et a choisi de ne pas gaspiller le temps et l'argent de l'entreprise des États Unis en cherchant la juridiction des tribunaux de Toronto. Je dois préciser que nous insistons sur le fait que la résolution de litiges dépend toujours de la situation, qu'il y a une grande différence entre ce que l'on peut faire lors d'un arbitrage et ce que peut faire devant un tribunal étranger. Je ne l'ai pas signalé -mais j'aurais dû le faire- l'accord d'exonération de responsabilités (en anglais) que vous trouverez ici sur notre web (en anglais) :

Le contenu du China Law Blog est proposé à des fins purement éducatives, il vise à proposer des informations générales et un aperçu global de la loi chinoise. Il ne prétend pas offrir un conseil juridique spécifique... Le China Law Blog ne devrait pas être utilisé comme substitut de conseil juridique compétent ou d'avocat du barreau.

Arbitrage de contrats chinois à Hong Kong : bonne ou mauvaise idée?

3) Juridiction mixte

Elle est souvent présentée. Le contrat stipule que l'entreprise chinoise doit entreprendre ses poursuites envers les États Unis dans un tribunal étasunien et l'entreprise américaine doit poursuivre l'entreprise chinoise dans un tribunal chinois. La pensée qui le soutient est logique mais sa mise en pratique si défectueuse que nous évitons ce type de clause comme la peste.

Ces clauses ont l'air censées parce que ce type de juridiction mixte est en faveur des entreprises des États Unis. Si l'entreprise chinoise plaide pour des dommages et une indemnisation, elle devra poursuivre l'entreprise américaine dans un tribunal des États Unis où elle pourra obtenir un procès juste. D'autre part, l'entreprise américaine peut poursuivre l'entreprise chinoise dans un tribunal chinois qui est (dans 90 pour cent des cas) exactement l'endroit où les entreprises des États Unis voudraient être. Pour que vous voyez que c'est le cas, lisez la Chine exécute une sentence des États Unis : en pratique, tout est pratiquement pareil (en anglais) et Les contrats chinois : faites qu'ils puissent être exécutés ou ne vous dérangez même pas (en anglais).

Mais les tribunaux chinois interprètent les juridictions mixtes comme synonyme d'aucune juridiction en Chine. Pour cette raison, si vous voulez vraiment que votre juridiction soit chinoise, le contrat devrait 1) être régi par la loi chinoise, 2) être rédigé en chinois, 3) établir le Chinois comme juridiction exclusive. Mais il ne d'agit pas d'une loi écrite noir sur blanc. C'est ce qui se passe réellement sur le terrain des tribunaux chinois et c'est pour cette raison que nos avocats chinois spécifient ces trois points lorsqu'il est crucial que notre client puisse entamer des poursuites en Chine.
Mais, une fois de plus, il n'existe pas de réponse définitive quant à ce qui serait le mieux en fonction de la situation spécifique de chaque entreprise. Si vous voulez évaluer clairement si cela peut vous intéresser que votre contrat soit régi par la législation chinoise auprès d'un tribunal chinois (c'est ce que nous choisissons généralement), vous devez considérer ce qui est réellement important dans votre situation. Est-il plus important d'avoir une ressource efficace contre le fournisseur chinois ou est-il plus important de lui rendre les choses compliquées si elle souhaite nous poursuivre? Si votre objectif principal est de renforcer le contrat contre l'entreprise chinoise, vous serez intéressé par la juridiction exclusive en Chine et le contrat rédigé en chinois. Si votre but premier est d'empêcher que les chinois vous poursuivent, vous devriez considérer la juridiction exclusive dans votre pays d'origine. Mais si vous le faites, gardez à l'esprit que la Chine n'applique pas les sentences des États Unis ni d'autres pays (en anglais), il est possible que vous ne puissiez jamais faire respecter le contrat en cas d'indélicatesse de l'autre partie. Ce sont les critères qui devraient vous aider à décider la meilleure juridiction pour votre contrat. Dans tous les cas, la stratégie de juridiction mixte ne fonctionne pas souvent.

Arbitrage de contrats chinois à Hong Kong : bonne ou mauvaise idée?

4) L'arbitrage de la Chambre de Commerce de Genève.

Un de nos bons clients a présenté à un de nos avocats spécialisé en litiges internationaux un contrat en exigeant un arbitrage devant « l'Institut d'Arbitrage de la Chambre de Commerce de Genève ». Le problème résidait dans le fait que la Chambre de Commerce de Genève n'avait pas d'Institut d'Arbitrage et ne se chargeait en aucun cas d'arbitrage international. Notre client a engagé notre bureau d'avocats pour qu'il rédige un contrat, il a fait quelques modifications postérieures et il l'a utilisé à nouveau dans un autre accord. Le contrat que mon entreprise avait rédigé avait spécifié que les disputes devraient se résoudre devant l'Institut d'Arbitrage de la Chambre de Commerce de Stockholm, une ressource très commune pour résoudre les conflits entre les entreprises russes et américaines. Lorsque mon client est parti et a signé un accord avec une entreprise espagnole, celle-ci a refusé que les différends soient résolus à Stockholm, mon client a donc simplement changé « Genève » par « Stockholm ». Mais lorsque mon client a dû avoir recours à un arbitrage, nous avons dû faire un grand effort pour déterminer comment entamer l'arbitrage face à un organisme qui n'existe pas. Nous avons donc fini par dire que nous devrions soumettre l'arbitrage à l'Association Suisse d'Arbitrage à Genève, l'autre partie a remis en question notre décision. Au final, nous avons réussi à mener à bien l'affaire, mais seulement après avoir engagé de grandes dépenses pour y arriver.

Arbitrage de contrats chinois à Hong Kong : bonne ou mauvaise idée?

5) Arbitrage de Caroline du Sud en chinois sous la Loi Britannique.

Oui, oui, vous avez bien lu, et si vous n'êtes pas surpris, lisez-le à nouveau. Il s'agit de mon cas favori depuis que j'en ai eu vent. Cette entreprise des États Unis nous a demandé une clause d'arbitrage en chinois en Caroline du Sud sous la Loi Britannique. Quand je leur ai dit les frais qu'engendrerait trois médiateurs de chinois mandarin en Caroline du Sud (en assumant que la partie adverse ne demande pas que l'on utilise un autre dialecte chinois), ainsi que les coûts ajoutés pour enquêter et présenter l'affaire devant les tribunaux sous la législation britannique, l'entreprise étasunienne, sagement, a décidé de ne pas continuer dans cette voie. Lorsque j'ai demandé à l'entreprise comment ils avaient choisi cette forme particulière de résoudre les conflits, ils m'ont expliqué qu'ils l'avaient emprunté d'un de ses accords antérieurs. Je n'ai rien dit, mais je voudrais dire maintenant qu'une pareille clause est une manière incroyable de ne pas mener à bien l'arbitrage, ce qui peut parfois avoir un sens, mais une pareille clause est un désastre si vous êtes celui qui doit demander réparation. À nouveau, le contexte est la clef de tout.

De temps en temps, lorsque je dis que je ne peux pas avoir d'opinion sur le fait de choisir Hong Kong comme lieu d'arbitrage pour un contrat spécifique, un avocat m'écrit et me demande mon « opinion générale sur l'arbitrage d'Hong Kong. » Ma réponse est la suivante: il existe de nombreux et excellents médiateurs à Hong Kong mais les arbitrages sont généralement très chers et, plus important encore, il est très rare que ce soit la manière la plus efficace pour que les dispositions d'un contrat s'appliquent à la partie chinoise.

Sincèrement, le plus grand problème posé par les arbitrages d'Hong Kong est que généralement les avocats le choisissent, non pas parce que c'est la meilleure manière de résoudre les litiges des clients, mais simplement parce qu'il leur est familier. En effet, il s'agit d'un système législatif consuétudianaire, très similaire à celui des États Unis, de Grand Bretagne, du Canada, d'Australie et les contrats et l'arbitrage peuvent tout simplement se faire en anglais. Comme toujours, ce qui est pertinent dépend du contexte.
 

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Portrait de China Law Blog
China Law Blog

Cet article a été traduit de l'anglais et publié à l'origine sur le China Law Blog de Harris Bricken. Harris Bricken est un cabinet juridique international avec des avocats aux États Unis, en Espagne et en Chine. Matthew Dresden dirige les pratiques internationales d'IP de Harris Bricken.

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